Séance du 12 juin 2012
Syrie 2004 – 2010
Par Jean-Marc Meyer
Avec les
terribles combats qui ensanglantent le pays, présenter aujourd’hui de belles
images d’avant la guerre peut sembler futile. Nous croyons cependant que c’est
faire justice au peuple syrien et à son histoire que d’évoquer avec respect les
beautés de ce pays.
Ce fut toujours à
partir de Beyrouth que les quatre voyages en Syrie dont il est question ici ont
été accomplis. Sous forme d’un voyage en petit groupe à Damas en 2004, et sous
forme individuelle à Bosra en 2007, au retour d’un voyage en Jordanie, et deux
fois à Alep, en 2008 et 2010.
Damas (2004). Excursion d’une journée, départ à l’aube
avec un petit bus. Dès l’arrivée à Damas, première visite : le Musée
National, avec ses fabuleuses collections d’objets provenant des sites les plus
anciens de Mari et de Doura-Europos, sur les bords de l’Euphrate. Puis ce fut
l’arrivée dans la vieille ville, le long de la citadelle, avec comme premier
objectif les souks. La grande rue Midhat Pacha, du nom de son constructeur
ottoman, forme le souk Hamidiyé. Une foule toujours en mouvement, des
boutiques, des mangeuses de glace qui soulèvent leur voile noir pour déguster…
Un autre monde, tellement nouveau, tellement inattendu ! Et au coin de la
rue, vers le souk des libraires, les restes impressionnants du propylée romain du
temple de Jupiter ! La vieille ville syrienne s’est construite sur les
restes de la ville romaine. Plus loin, c’est la Grande Mosquée des Ommeyades.
Dès l’entrée, après avoir enlevé les chaussures et pour les femmes avoir enfilé
une longue robe avec une capuche, nous entrons dans la vaste cour avec ses
colonnes, son Trésor, la fontaine couverte pour les ablutions. A l’intérieur,
d’immenses colonnes soutiennent le haut plafond, des tapis recouvrent tout
l’espace, les gens - des familles, des personnes âgées -, vont et viennent, s’assoient,
prient ou simplement discutent discrètement. Il règne une atmosphère de
simplicité et de recueillement. Derrière les vitres vertes et les grilles
dorées du petit monument au centre de la mosquée se trouverait sa tête de
Jean-Baptiste… Après cette visite, le Palais Azem, ancienne demeure du
gouverneur ottoman puis palais du haut-commissaire français en 1922. Détruit
lors d’émeutes puis reconstruit à l’identique, il a retrouvé toute sa
magnificence. La fin de la visite de la vieille ville se poursuivra avec tout
le groupe embarqué sur une mini-camionnette dans les ruelles étroites.
Damas - Le Musée National
Damas - Le souk des libraires
Damas - La Mosquée des Ommeyades
Damas - Le Palais Azem
Bosra (2007). Après Jerash, Ammann et Pétra en
Jordanie, au retour brève halte en Syrie, à Bosra. Ancienne capitale nabatéenne
puis capitale de la province romaine d’Arabie, la ville possède l’un des plus
beaux théâtres antiques, miraculeusement préservé par les murailles de la
citadelle que les Ottomans ont construites tout autour de lui. Les gradins de
l’hémicycle, le mur de scène, tout est dans un état parfait. Autour, les restes
de la ville romaine sont beaucoup plus dégradés, les habitants ayant pris
l’habitude de chercher dans les constructions antiques les pierres dont ils ont
eu besoin pour leurs maisons.
Bosra - Le Théâtre romain
Bosra - Les thermes sud
Bosra - L'Arc nabatéen
Alep et le
Nord (septembre 2008). Ce
tour nous emmène d’abord au Krak des Chevaliers, impressionnante forteresse
construite en 1142 lors des Croisades, paraissant imprenable mais finalement
prise par le sultan arabe Baybars en 1271. Marqab, autre château croisé
dominant la mer, Tartous et Lattaquié, le fief alaouite. Visite ensuite
d’Ougarit, le grand port des Cananéens redécouvert en 1929 seulement. Les
tablettes retrouvées dans l’ancien palais royal sont écrites en ougaritique, un
système d’écriture à l’origine de notre façon d’écrire actuelle. Moment
impressionnant à la découverte des ruines de cette cité oubliée. Poursuite vers
Alep, arrivée en fin de matinée, en pleine chaleur. La citadelle domine la
vieille ville. Première incursion dans les souks, probablement les plus beaux
de tout l’Orient. Logement dans un ancien palais du quartier chrétien. Visite
au Nord-Ouest, dans le Massif Calcaire, des ruines de Saint-Siméon, site
byzantin élevé à l’emplacement où Siméon le Stylite vécu perché sur une colonne
pendant plus de 35 ans ! Lieu magique, sur une colline, avec des ruines
aux couleurs ambrées tranchant avec la grisaille des rochers calcaires couvrant
les sols alentour, et des arbres couchés par le vent. Après Alep, arrêt à Ebla,
l’antique cité syrienne (IIIe et IIe millénaires) dont les traces sont encore
en grande partie enfouies dans le sol. Travail des archéologues italiens. Puis
route vers le sud jusqu’à Apamée, l’immense cité romaine dont la grande
colonnade est la plus longue de toute l’antiquité. Arrêt ensuite à Hama, au
centre du pays, avec ses immenses norias de bois. Cette longue journée se
terminera très à l’est, après une traversée dans le désert, à Palmyre. La cité
de la reine Zénobie, qui osa défier les Romains, étale ses ruines adossées à
une vaste oasis. Le massif Temple de Bêl, la vallée des Tombeaux, la Grande
Colonnade, l’Arc monumental, le Tétrapyle : tout évoque la splendeur de
cette cité du désert. Le retour vers Beyrouth sera marqué par une halte dans le
désert, au « Bagdad Café », sur la route vers Bagdad (en 2008, la
guerre fait encore rage en Irak), puis à Maaloula, petite ville dans le massif
du Qalamoun où l’on parle encore l’araméen, la langue parlée à l’époque du
Christ. En quelques cinq jours, que de civilisations diverses et d’époques
différentes, dans un espace finalement assez restreint.
Région d'Homs - Le Krak des Chevaliers
Hama - Les norias
Palmyre - Chameliers en début de journée
Palmyre
Maaloula - Dernier village où l'on parle araméen
Alep (mars 2010). La visite des souks ayant été trop
rapide en 2008, nous décidons d’y retourner. Arrêts à nouveau au Krak des
Chevaliers, à Apamée, à Saint-Siméon, à Ebla. Mais cette fois, au printemps,
les champs de la vallée de l’Oronte sont d’un vert intense, sur lequel les
colonnes d’Apamée apparaissent plus blanches encore. Beaucoup plus de temps
pour parcourir les souks d’Alep, où les ruelles étroites, les passages
couverts, les portes, les arcades voient une foule aller et venir parmi les
boutiques toutes plus pittoresques les unes que les autres. Couleurs et odeurs
s’entremêlent, l’œil est sans cesse attiré par les sacs d’épices, les montagnes
de savons, les étalages de bijoux en or, les piles de tapis, les brochettes
odorantes devant les minuscules restaurants…
La place Djeidé, au cœur du quartier chrétien, est le point de
rendez-vous en fin de journée, dans un tout autre monde qui déjà semble devenir
nôtre. Revoir les mêmes lieux, à quelques années d’intervalle, reste pour le
voyageur un véritable privilège : la fugacité des images fait place
soudain à une persistance qui s’ancrera dans la mémoire d’une manière
indélébile.
Apamée - La Grande Colonnade
Saint-Siméon - La colonne de Siméon le Stylite
Alep - La Citadelle
Alep - La ville vue depuis la citadelle
Alep - Les souks - Marchand de savon
Alep - Les souks - Marchand de tapis
Alep - Les souks - Marchands d'épices
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