par Romana Petrini
Définition de l'architecture vernaculaire: selon Paul Oliver (1997 Encyclopedia of Vernacular Architecture in the World), il s'agit de l'architecture des gens, sans architecte, faisant appel aux matériaux disponibles sur place et mettant en oeuvre des techniques traditionnelles (par opposition à l'architecture pour les gens, l'architecture d'architecte).
Eric Mercer (English vernacular houses): les bâtiments vernaculaires sont ceux qui appartiennent à un type communément répandu dans une zone donnée; il s'en suit que tel genre de bâtiment peut, à une même époque, être "vernaculaire" dans une zone et "non-vernaculaire" dans une autre, et, dans une même zone, passer, avec le temps, de "non-vernaculaire" à "vernaculaire".
On pourrait aussi ajouter que c'est l'architecture créée en respectant l'environnement local, la culture, l'histoire; elle est influencée par le climat et les conditions géographiques. En Chine, l'architecture des minorités ethniques est aussi appelée "architecture vernaculaire".
Un voyage à travers la Chine pour en découvrir l’architecture vernaculaire, locale, traditionnelle doit commencer avec une introduction sur le siheyuan, la maison à cour carrée, qui se développe en tout cas suivant des modèles adaptés aux différentes régions. Ce modèle servit aussi bien pour l’architecture domestique que pour l’architecture religieuse et pour celle des palais impériaux.
Le siheyuan est la forme traditionelle de la maison de Pékin, codifiée au XII siècle, dont le nom désigne l’ensemble de l’habitation, composée de quatre pavillons autour d’une cour centrale sur laquelle s’ouvrent toutes les pièces principales. Des cours successives témoignent d’une richesse de ses habitants.
Un exemple de siheyuan
Les provinces de Chine
On retrouve cette forme au Shanxi, aussi bien dans les plus anciennes maisons troglodytiques que dans les maisons des riches marchands, même si c'est avec des caractéristiques propres aux différents lieux.
Avec le Shanxi on commence notre voyage en passant d’abord par PINGYAO où les maisons des riches marchands ont sur la rue leur magasin et, derrière le magasin, l’habitation entourant une cour qui, en ville, a plutôt une forme étroite et allongée, pour une meilleure exploitation commerciale de l’espace. A la campagne, où l'espace ne manque pas, les riches marchands s’entourent de grands siheyuan, destinés au clan familial. Ce sont des propriétés entourées de hautes murailles, ce qui pourrait être comparé un peu à nos châteaux. C’est le cas, à Jingsheng-Lingshi, de la résidence du clan Wang, WANG JIA, et, à Dongguan, du fortin du clan Qiao, QIAO JIA . Il s’agit de la demeure d’une famille du village dont un membre, parti tenter sa chance dans les affaires au XVIII s. en Mongolie–Intérieure, réussit à jeter les bases d’un empire commercial qui s’étendit dans la Chine entière. L’austère maison familiale servait de centre à son activité. C'est là que fut tourné en 1991 le film de Zhang Yimu « Epouses et concubines ».
Pingyao
Wang Jia
Qiao Jia Da Yuan
Chez les Kang Baiwan
Au Sichuan,
la résidence de Liu Wencai, un grand
propriétaire terrien, est composée de deux groupes d’architecture, une au S et une au N pour un total de 350 pièces, et remonte à la fin des Qing .
Dans toutes ces demeures, la décoration, la sculpture et les incisions sont importantes, que ce soit sur les briques et sur les pierres qui séparent du sol les piliers porteurs en bois, ou sur les portes et leur linteaux et aux fenêtres.
propriétaire terrien, est composée de deux groupes d’architecture, une au S et une au N pour un total de 350 pièces, et remonte à la fin des Qing .
Dans toutes ces demeures, la décoration, la sculpture et les incisions sont importantes, que ce soit sur les briques et sur les pierres qui séparent du sol les piliers porteurs en bois, ou sur les portes et leur linteaux et aux fenêtres.
Résidence de Liu Wencai
Les premiers bâtisseurs du Huizhou étaient des aristocrates venus du nord et fuyant les guerres . Ces aristocrates, devenus marchands-lettrés, firent fortune d’abord en vendant les matières premières locales (bois, bambou, thé) , puis en profitant du monopole sur le sel accordé par l’empereur en échange de services rendus, le plus souvent de caractère financiers: livres , mont-de-piété.
Huangshan
Jiuhuashan
Les produits de Huizhou, papier xuan, encre de Chine et pierre à délayer l’encre sont réputés. Les arts artisanaux, l’édition et la médecine étaient de niveau supérieur à Huizhou ; mais rien n’est plus connu que l’ architecture des habitations qui forme un contraste frappant avec l’environnement naturel des collines et des rivières vertes et qui se caractérise par :
- Murs blanchis à la chaud
- Cour intérieure à impluvium, étroite et haute, pour drainer les pluies, garder la fraîcheur et aérer
- Auvant de portes, fenêtres ajourées de pierre, sculptures sur briques utilisées aux étages ou aux linteaux des portes
- Toits recouverts de tuiles plates en « écailles de poisson »
- Murs pignons plus hauts que la faîte du toit pour empêcher à éventuels incendies de se propager
- Sculptures sur bois (ginkgo et nanmu)
- Usage du symbolisme
- Temples des ancêtres, écoles privées, académies (ex. Académie Nanhu à Hongcun), portiques en pierre-paifang (ex. Tangyue, Xidi)
Xidi
Lucun: mudiaolou
Hong Cun
Au Yunnan, on commence par une visite à la partie habitée par l’ethnie minoritaire bai, dont les maisons avec leur décor bleu et gris sur le blanc des façades offrent une ambiance particulièrement gaie ; la porte est cependant l’élément le plus remarquable de l’architecture extérieure chez les bai, un véritable portail surmonté de deux petits auvents en tuiles grises superposées, aux extrémités relevées ; il y a une frise décorée qui peut se prolonger au-delà de la porte. Ce décor de pierres grises contraste avec le crépi blanc des façades.
Architecture typique des Bai
La ville la plus importante est DALI qui s’étend entre les rives du lac Erhai et les pentes des montagnes Cangshan qui ont toujours fourni du bon marbre aux empires du passé et dont le nom en chinois est « dali shi » (pierre de Dali).
Dali
En quittant Dali nous nous dirigeons vers Lijiang, en faisant des visites aux beaux marchés des villages rencontrés sur le chemin, et puis on vire au nord vers le Lac Lugu (LUGU HU), chez les Moso. Il s’agit d’une branche de l’ethnie Naxi, donc pas reconnue comme ethnie à part ; c’est une société matrilinéaire qui commence vivre du tourisme, ce qui influence le style des nouvelles constructions récemment bâties au bord du lac, à Lige et surtout à Luoshui.
Promontoire de Haishi
Baisha
Lac Lugu (Nord du Yunnan)
Marché de Yongning
La forme la plus répandue est cependant le siheyuan ( parfois sanheyuan, si le côté avec la porte d’accès à la cour n’est qu’un mur) avec, autour de la cour, une construction principale, à sa droite une construction utilisée comme dépôt et/ou abris pour les animaux, à gauche une autre à deux étages, où il y a les chambres pour les filles de la maisonnée; au premier jour du premier mois lunaire, chaque année, les enfants qui atteignent le 13 ans vivent leur cérémonie d’entrée dans le monde des adultes et les filles peuvent recevoir dans leur chambre leur « copain », du soir au petit matin (seulement).
L’habitation principale est spacieuse, c’est ici que la famille prend les repas, se repose autour d’un âtre où le bois brûle devant un autel ancestral. A gauche on trouve le lit de la femme la plus vieille de la maisonnée et à droite la porte de la pièce interdite aux personnes ne faisant pas partie de la famille, c’est la pièce de la naissance et de la mort.
A l'intérieur d'une maison villageoise de Yongning
En vol maintenant pour aller tout au sud du Yunnan, au XISHUANG BANNA, zone tropicale avec une végétation florissante et des habitations qui tiennent compte de l’humidité et, dans le passé, des animaux féroces et des nombreux serpents. Il s’agit de maisons souvent sur pilotis pour mieux se protéger de l’humidité, de petite taille et rarement avec des cours. Les maisons sur pilotis des Dai ont une charpente qui associe le bois au bambou ; les toits, de chaume ou d’une sorte de tavaillons, sont pointus et se prolongent avec des avant-toits en pente douce ; de vastes galeries ouvertes sont utilisées pour le séchage du linge.
Xixuangbanna (Sud du Yunnan)
Maison sur pilotis de l'ethnie Dai
Toitures typiques de l'ethnie Dai
On repart au nord du Yunnan pour aller à la découverte de l’architecture tibétaine. A ZHONGDIAN, aujourd’hui aussi appelé Shangrila, on visite l’intérieur d’une simple maison.
Zhongdian (Shangri La, Nord du Yunnan, proche du Tibet)
Lamaserie de Songzanlin
Routes difficiles...
Lamaserie de Dongzhulin
Le "Saut du Tigre"
Sichuan - on passe tout au nord du Sichuan, à JIUZHAIGOU (la vallée des neuf villages, tibétains). Les maisons des tibétains varient beaucoup dans leur style selon les zones (provinces ou région), mais elles sont principalement bâties en pierre ou en bois. Elle tiennent compte de l’environnement géographique, de l’histoire et en particulier de la religion, raison pour laquelle elles sont souvent distribuées autour d’un temple.
La décoration extérieure des murs reflète les différentes sectes du bouddhisme tibétain. Les portes sont décorées à gauche avec un tigre, qui était craint déjà en époque préhistorique et vénéré comme dieu, représente l’autorité et protège contre l’intrus ; le yak qui se trouve sur la partie droite de la porte représente aussi l’autorité plus la vertu, il est sacré, il arrive à survivre au froid, il est le pilier de la vie des tibétains et selon une légende les tibétains descendraient de six tribus de yak. On peut trouver peints aussi des symboles de la culture han, comme le dragon et le phénix . Les maisons sont principalement à deux étages ; la plus belle pièce de la maison est réservée à l’adoration du Bouddha. La pièce principale où vit la famille se trouve à l’étage et c’est là que sont reçus les invités.
Jiushaigu (Nord du Sichuan)
Zhaoking
Ce vaste territoire est la patrie des Ouïgours, Chinois musulmans. L'architecture de la capitale, Urumqi, est marquée par les influences des pays de l'Asie Centrale.
Urumqi
Plus au nord, c'est successivement l'influence des Mongols, avec les yourtes érigées dans les vastes plaines désertique de Gobi...
...puis de la Sibérie, la grande voisine du nord.
Kanasi Hu
Hemu
Guangdong -
Au Yunnan, au Guizhou, au Sichuan on était chez des ethnies minoritaires, ce qui contribue à caractériser leur habitat, mais dans les deux prochaines étapes on est dans des zones habitées par l’ethnie majoritaire han et pourtant l’architecture est bien « spéciale ».
Au Guangdong, dans la région de KAIPING sont chinois d’outre-mer, répartis dans une centaine de pays et d’unités territoriales, qui ont non seulement rapporté une grande fortune à leur pays, mais aussi ont fait connaître de nouvelles idées et de nouveaux concepts de l’occident y compris leur civilisation architecturale et leurs techniques de construction (dont le béton armé). La fusion des cultures chinoises et étrangères a fait naître des maisons de style mixte de Chine et de pays étrangers.
Au Yunnan, au Guizhou, au Sichuan on était chez des ethnies minoritaires, ce qui contribue à caractériser leur habitat, mais dans les deux prochaines étapes on est dans des zones habitées par l’ethnie majoritaire han et pourtant l’architecture est bien « spéciale ».
Au Guangdong, dans la région de KAIPING sont chinois d’outre-mer, répartis dans une centaine de pays et d’unités territoriales, qui ont non seulement rapporté une grande fortune à leur pays, mais aussi ont fait connaître de nouvelles idées et de nouveaux concepts de l’occident y compris leur civilisation architecturale et leurs techniques de construction (dont le béton armé). La fusion des cultures chinoises et étrangères a fait naître des maisons de style mixte de Chine et de pays étrangers.
On est en présence de maisons fortifiées, disséminées dans les villages, donc en zones rurales ; il s’agit de constructions les plus impressionnantes et les plus caractéristiques du pays des Chinois d’outre-mer. Au début du XX siècle, l’arrivée massive de mandats améliora considérablement les conditions de vie des parents des Chinois d’outre-mer. Au même temps l’ordre social se détériora de plus en plus dans les villages natifs de chinois d’outre-mer et les bandits pillaient les familles riches. Les villageois étaient obligés de s’organiser pour l’auto-défense. Les maisons fortifiées étaient donc un moyen de se défendre. En cas d’urgence, les villageois pouvaient se transférer dans ces maisons munies en haut d’une galerie en encorbellement permettant d’observer la situation extérieure et de tirer sur les assaillants. Ces maisons fortifiées se trouvaient généralement à un endroit surplombant le village. Chaque village en comptait au moins deux ou trois, et même sept ou huit. Le plus grand nombre de ces maisons sont conservées à Kaiping. Après l’établissement de la RPC en 1949, le brigandage cessa et des mesures contre les inondations furent mises en place : les diaolou (c’est le nom de ce genre de constructions) perdirent leur rôle.
Kaiping
La tour d’argile est un seul édifice au plan généralement rond ou carré, parfois un plan oval, polygonal . Elles sont généralement de 1 à 5 étages. Le mur extérieur du rdc n’a généralement pas de fenêtre et on voit à partir du premier étage quelques fenêtres minuscules, ceci pour une fonction défensive. En général la cuisine et la salle à manger sont au rdc ; le 1er étage est réservé au stockage de matériaux, les chambres à coucher sont aux étages, à partir du deuxième. Les fondations du mur extérieur atteignent une épaisseur de 3 m. et le mur de 1.5 m. à la base se rétrécit vers le haut.
Derrière le mur extérieur sont disposées de nombreuses pièces et les couloirs.
Au milieu il y a le temple des ancêtres, la salle du précepteur et parfois un théâtre.
Les tulou sont donc fermés à l’extérieur et ouverts à l’intérieur.
Les tours d’argile rondes ont plusieurs cercles concentriques et parfois un cercle unique ou un cercle entourant un carré. La hauteur de la tour décline vers le centre, où se trouve le temple des ancêtres, lieu de cérémonies de mariage, de funérailles et de célébration d’autres événements heureux de tout le clan.
Encore une fois on est en présence de la cohabitation d’un clan entier, comme nous avons vu au début de cette présentation en nous approchant aux demeures des riches marchands du Shanxi… On constate chez les habitants une communion d’idées et de sentiments héritant de la société agricole traditionnelle de Chine où régnaient les relations humaines cordiales entre les membres du même clan.
Xiamen
Dessin d'un "tulou"
LECTURES :
- Wang Senqiang, Old Houses of Huizhou, ed. Jiangsu Fine Arts Publishing House
- Claudio Greco, Le case di terra del Fujian, ed. Meltemie
- Françoise Grenot-Wang, Chine du Sud- la mosaïque des minorités, ed. les Indes savantes
- Wang Can, Les ethnies de la Chine, China Intercontinental Press
- Lou Qingxi/Su Guang, Traditional Architectural Culture of China, China Travel and Tourism Press
- Shan Deqi, Les habitations chinoises, ed. China Intercontinental Press
- Wang Xiaoli, Architecture of ethnic minority groups, ed. Cina Intercontinental Press
- Auteurs multiples, L’architecture chinoise, ed. Ph. Picquier
- Ronald G.Knapp, Chinese Houses-The Architectural Heritage of a Nation, ed.Tuttle
- Auteurs multiples, A panorama of ancient Chinese architecture in Shanxi, ed. Shanxi renmin chuban she
- Guides bleus, Chine, 2 volumes, ed. Hachette
- Patrick Mathé, Aux confins de la Chine – sur les traces de Joseph Rock
Francesca Rosati-Freeman, Sur les rives du lac Mère, ed. Tensing
(Les textes et les photos sont de Romana Petrini)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire