lundi 26 novembre 2012


Séance du 13 novembre 2012

Guerre et paix en Papouasie

Par Lily-Marie Johnson

Cette semaine passée en Papouasie faisait partie d’un voyage autour du monde de Lily-Marie Johnson. Escale pour le moins originale, parmi les peuplades indigènes qui conservent leurs coutumes et costumes. La Papouasie fut découverte en 1511 par les Portugais  qui lui donnèrent son nom. La peau foncée des habitants fit penser à des explorateurs espagnols qu’ils avaient émigré depuis l’Afrique, d’où le nom de Nouvelle-Guinée donné à cette grande île qui fait partie de l’Océanie, tout comme la Polynésie ou la Micronésie. Le nom de Papou proviendrait d’un nom malais, qui veut dire « crépu ». Une même ethnie d’environ 200 individus a été trouvée sur les côtes du Bengladesh. L’île appelée Papouasie est divisée aujourd’hui en deux, pratiquement par son milieu, par une frontière quasi rectiligne allant du nord au sud : à l’ouest, la Papouasie occidentale, ou Irian Jaya, qui fait partie de l’Indonésie, et à l’est, la Papouasie-Nouvelle Guinée, qui acquit son indépendance en 1975. Irian Jaya représente environ 22 % de la surface de l’Indonésie, mais seulement 1 % de toute la population indonésienne.

Après atterrissage à Jayapura, sur la côte nord de l’île, continuation par avion à Wamena, dans l’intérieur de l’île, pour y trouver un guide et un véhicule tout-terrain permettant de s’enfoncer dans la jungle, à la recherche d’une tribu qui a conservé intactes ses coutumes ancestrales. Il faut plusieurs heures de piste pour atteindre cette tribu, qui vit près de la rivière Sungai Baliem et qui est habituée au contact avec des étrangers. Les hommes vivent pratiquement nus, avec de superbes ornements dans les cheveux et un long tube sur le sexe. Les femmes portent une sorte de pagne. Ces gens vivent d’une agriculture rudimentaire (culture de la patate douce avec des outils en pierre), et ils protègent leurs petits champs contre les pillards par des guetteurs perchés dans les arbres, qui appelleront à l’aide des villageois armés de lances et d’arcs. Un simulacre de combat est réalisé devant Mme Johnson, qui est la seule participante à cette expédition. C’est la partie « guerre » mentionnée dans le titre. La bataille terminée, c’est le lavage rituel à la rivière,  puis le retour au village du groupe victorieux, qui sera accueilli par des chants de victoire. Les maisons ne comportent qu’une entrée étroite, meilleure protection contre les visiteurs indésirables. Les femmes, craintives, apparaissent alors, mais elles restent clairement séparées des hommes, chaque occupant un des côtés de la place. Pour bien célébrer cette « victoire », on fera cuire un petit cochon de lait (par ailleurs offert traditionnellement par le visiteur étranger !). L’allumage du feu se fait en frottant un bâton sur une branche sèche, et le cochon est tué par un guerrier utilisant son arc et ses flèches. Des pierres sont placées sur le feu, c’est elles qui feront cuire la viande. Après avoir brûlé les poils du petit cochon et l’avoir farci avec des herbes, il faudra 6 heures sous les pierres brûlantes pour qu’il soit bien cuit. Pendant ce temps, des enfants courent avec leur sac pour les courses sur la tête. La découpe de la viande se fera à l’aide d’un couteau en bambou. L’efficacité de tels couteaux est incroyable, tranchants et résistants. Pendant le temps de la cuisson, un homme joue de la guimbarde, le petit instrument en métal vibrant devant la bouche qui fait écho. Quand vient le moment de la distribution de la viande, c’est d’abord le tour des hommes, les anciens en tête, puis les plus jeunes et enfin celui des femmes et des enfants.

Pendant la cuisson de la viande, un petit marché se développe, les femmes offrant des colliers et des tissages, et les hommes des couteaux en bambou notamment. Les ventes se font en monnaie locale, il n’y a pas de véritable marchandage. A cause du travail nécessaire pour réaliser les objets mis en vente, les prix demeurent assez élevés.

Ce contact privilégié avec des tribus si primitives n’est possible qu’avec l’accord du gouvernement local, qu’il faut aller chercher sur place. Il faut aussi trouver un guide local, capable de faire l’interprète entre le visiteur et les aborigènes, et un véhicule pour naviguer sur les pistes dans la jungle. Ce n’est pas à la portée du premier « tour operator » venu, et donc pas une halte classique dans un tour du monde. Il a fallu pour y arriver beaucoup de détermination et de confiance en soi – ce qui est d’autant plus remarquable pour une personne du troisième âge qui a fait tout cela seule. Unique exigence pour Mme Johnson : pouvoir dormir dans un lit d’hôtel, et non pas dans une hutte ! Pour tout cela, ce récit a une valeur exemplaire. Le voyage, c’est aller au-devant des autres, « sachant que chaque minute du voyage serait une découverte », comme le dit Ella Maillard dans « La Voie Cruelle ». Un grand merci de nous avoir permis de partager de si impressionnantes découvertes.


 Irian Jaya, la Papouasie occidentale
En bleu: avion
En rouge: véhicule 4x4

 Premier contact avec les aborigènes: le gardien des récoltes
perché dans sa tourelle

 En cas de danger, il fait venir les hommes armés du village

 La troupe est impressionnante !

 Nus mais coiffés, les armes à la main

Les intrus ont été mis en déroute... 

 ...les combattants peuvent retourner au village.

 De fiers combattants

 Les défenseurs sont accueillis au village...

...par les femmes...

 ... et par les anciens.

 Célébration du combat victorieux

 Jeunes femmes et enfants

 Allumage du feu en frottant un bois sec sur une branche

 On chauffe sur le feu les pierres de cuisson

 Le chef du village supervise les opérations

Un petit cochon sera cuit sous les pierres pour célébrer

 Les anciens surveillent

 Jeunes femmes avec leur panier pendu à leur tête

 Tout le village attend la cuisson du cochon

Un ancien joue de la guimbarde 

En attendant la fin de la cuisson (6 heures!), un petit marché s'organise:
colliers et tissages pour les femmes,
couteaux en bois de bambou et longs cache-sexe pour les hommes 

La distribution de la viande commence par les anciens et les hommes.. 

...les femmes et les enfants seront servis en dernier.

mardi 23 octobre 2012


Séance du 9 octobre 2012

Le Carnaval de Bâle
Par Mme Raymonde Wagner

Du lundi 27 au mercredi 29 février 2012 s’est déroulé le traditionnel Carnaval de Bâle. Parmi les grands carnavals d’Europe (Binche en Belgique, Venise, Cologne), celui de Bâle est peut-être celui qui possède les plus fortes traditions. Rien à voir avec les grandes fêtes de la Nouvelle Orléans ou de Rio de Janeiro : ici, c’est la tradition qui impose un déroulement particulier, et la vie locale qui donne les « sujets » des déguisements, des lanternes colorées et des pamphlets satiriques en vers, les Schnitzelbänke que l’on distribue à la foule. La fête débute le lundi, sur le 4ème coup de quatre heures, sur la Marktplatz : c’est le Morgenstreich. Soudain, comme par magie, arrivent sur la place par toutes les rues voisines les différentes Guggenmusik (les cliques), au rythme des fifres et des tambours. Tout ce joyeux désordre envahi le terrain, et chacun semble trouver sa place. On découvre alors les nouvelles couleurs, les costumes des cliques, les thèmes des lanternes peintes. Cette première partie va durer jusque vers 7 heures, le moment de se retrouver dans les cafés pour une collation avant de partir prendre un peu de repos. Ce même jour, à 13h30 , commence le grand cortège à travers la ville. A la lumière du jour, on peut revoir plus clairement les différents groupes et les chars, les quelque 12000 participants, et se laisser couvrir de confettis. Certains personnages typiques de ce carnaval, comme le Waggis, prototype du voisin alsacien que l’on adore critiquer, reviendront ainsi chaque année. Autre élément important : la Blaggedde (ou « plaquette »), éditée chaque année sur un thème différent correspondant à un fait de l’année, que l’on se doit d’acheter dans sa version métal, argent ou même or ; c’est le billet d’entrée qui finance en partie les cliques. Et gare à celui qui ne la porterait pas bien en vue sur lui, il sera pris à partie (avec humour mais fermeté !) par l’un ou l’autre des passagers des chars ! Ce même soir du premier jour, dès 19h30, on ira de cafés en cafés, là où les groupes se réunissent pour présenter et chanter leurs couplets satiriques, les Schnitzelbänke – l’un des moments les plus appréciés des Bâlois, qui se délectent en connaisseurs des piques adressées aux personnalités de la ville, du pays et du monde. Gare à celui qui aura eu un comportement critiquable durant l’année : il sera durement critiqué, avec cet humour si typiquement bâlois. La fête prend un tour plus intime, réparties dans de plus petites structures, chaque groupe ayant plus ou moins réuni ses supporters dans ses locaux, salle de café ou cave, décorés par de grands posters reprenant les thèmes choisis par le groupe en question. Dans ces moments de plus grande proximité avec les groupes, on peut mieux apprécier toute la verve satirique et parfois la virulence de ce qui fait l’essence même du Carnaval : la critique sociale et les attaques plus ou moins sévères contre les personnalités qui auront fait parler d’elles pendant l’année écoulée.

Le mardi, c’est le Carnaval des enfants. Un grand cortège les rassemble, ils défilent en costumes, presque aussi impressionnants que les adultes, avec ces fameux masques qui tous portent la marque très facilement reconnaissable de ce grand carnaval. Les enfants sont poussés par leurs parents, ils forment la relève, c’est ainsi que la tradition se perpétue. Puis c’est l’exposition des lanternes et, en fin de journée, le Gässle : par groupes de deux ou trois, des joueurs de fifres costumés parcourent les petites rues de la vieille ville en jouant. Le mardi se termine par un grand concert des Guggenmusik sur les principales places de la vieille ville, comme la Markplatz, la Barfüsserplatz et la Claraplatz - une belle occasion d’entendre et de voir l’ensemble de ces groupes aux costumes colorés, chaque joueur d’une clique portant le costume propre à cette clique, avec à la tête du groupe un meneur, sorte de tambour-major, qui rythme la musique avec son bâton !

Le dernier jour du Carnaval, le mercredi, dernier grand cortège l’après-midi avec l’ensemble des cliques, et tout se termine par un immense défilé des carnavaliers qui durera jusqu’au jeudi à 4 heures. Ainsi, en exactement 72 heures, tout aura été fait et dit. A midi ce jeudi là, la ville aura été totalement nettoyée des tonnes de confettis, la vie normale pourra reprendre, la folie annuelle est terminée. Mais dès le lendemain, les groupes se réunissent à nouveau pour faire le point, et surtout pour commencer à préparer le carnaval de l’année suivante. A Bâle, on ne badine pas avec ces traditions !

Mme Wagner a su nous faire partager merveilleusement ce moment de fête exceptionnel, car elle le connaît particulièrement bien, ayant passé un partie de son enfance à Bâle.


Le Morgenstreich

Lanternes


La Blaggedde 2012

Le Waggis, le cousin alsacien


Le cortège du lundi



Fournisseurs de confettis !

Distribution des Schnitzelbank


Clique

Ambiance en ville

Vers le repos dans les cafés



Déclamation des Schnitzelbank

Gässle: fifres dans les ruelles

La relève de demain est prête !

Photos de Mme Marie-Claire Cherpin, 2012

mardi 18 septembre 2012

Séance du 11 septembre 2012


Laos

Par André Vifian

Le voyage dont il est question ici a été fait en janvier 2012 et comportait trois parties : le Vietnam, le Laos et le Cambodge. Seule la partie consacrée au Laos a fait l’objet de cette présentation.
Le Laos, ou République démocratique populaire lao, est un pays de la taille de la Roumanie, sans accès à la mer, bordé par le Vietnam à l’est, par la Chine au Nord, par le Myanmar et la Thaïlande à l’ouest, et par le Cambodge au sud. Il est bordé ou traversé par le 4e plus grand fleuve d’Asie en termes de débit, le Mékong, sur une distance de 1898 km. Le Laos est peuplé de 6 millions et demi d’habitants appartenant à plus de 60 ethnies, dont les Hmongs, toujours en rébellion contre le pouvoir central communiste. Jadis royaume, le Laos est devenu une république populaire suite au coup de force du mouvement communiste Pathet Lao en 1975. Vientiane, au sud-ouest, 400'000 habitants, en est la capitale, alors que Luang-Prabang, au centre du pays, est une ancienne ville royale dont le nom signifie « ville de l’image du grand Bouddha ». Le reportage porte essentiellement sur Luang-Prabang et ses environs. Située au bord du Mékong, à la confluence de la rivière Nam Khan,  la ville de quelques 70'000 habitants a su conserver ses caractéristiques  originelles et est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. De nombreux temples bouddhistes, comme Vat Visoun et Vat Xieng Thong, offrent diverses représentations de Bouddha et des mosaïques très richement détaillées, comme celle de l’Arbre de Vie. La ville est dominée par le Mont Phousi, d’où l’on a une vue magnifique sur le fleuve et la rivière Nam Khan. Des jeunes novices bouddhistes habitent le monastère. On a l’habitude de donner en offrande des oisillons dans de petites cages. En fin de journée, un grand marché de nuit s’installe en ville, des paysans des alentours  viennent vendre leur production, tant agricole qu’artisanale. Partout de petits restaurants de rue s’improvisent, avec des plats de légumes et de fruits de toutes sortes, et aussi ces curieuses brochettes d’œufs ! C’est une façon bien agréable de terminer la journée en visitant ce marché de nuit. Les touristes que l’on voit surtout appartiennent à deux groupes bien distincts : des jeunes, voyageant individuellement, sac au dos, les « backpackers » : ils vont partout où leurs idées les poussent , couchent chez l’habitant, et vivent au plus près de la population ; et l’autre groupe est constitué principalement par des adultes de plus de 40 ans ou des retraités, avant tout curieux de la culture du pays, voyageant avec l’aide de tour operators locaux, et appréciant l’atmosphère très zen de ce pays.
C’est avec un de ces tour operators locaux que furent organisées les deux excursions faites depuis Luang-Prabang. La première fut essentiellement une excursion sur le Mékong, remontant le fleuve jusqu’aux grottes de Pak Ou, loin au nord de la ville. Les transports se font essentiellement par bateaux sur le long fleuve, marchandises et voyageurs, de longs bateaux effilés, couverts quand il s’agit de transports de personnes. La navigation est délicate à cause des nombreux bancs de sable et des rapides, mais les pontonniers connaissent bien leur fleuve et sont d’habiles manœuvriers.  L’accès aux rives est rarement organisé de façon fixe, à cause des fortes différences de hauteur des eaux (jusqu’à 4 mètres !) en temps de mousson – la saison sèche va d’octobre à mai, et la saison humide d’avril à octobre ; janvier correspond au printemps. Le bateau s’approche de la rive, et une passerelle de bambou improvisée est lancée. Le fleuve est aussi un lieu de pêche. Les grottes de Pak Ou se trouvent dans une paroi rocheuse abrupte qui surplombe le fleuve. Des centaines de statues de Bouddha peuplent ces grottes, véritable lieu de pèlerinage pour les Laotiens.  Les rives du Mékong, riches en alluvions, sont très fertiles et donc assez bien peuplées. L’excursion comprenait une halte dans un village le long du fleuve. Ce qui frappe, c’est le regard triste des habitants, comme s’ils souffraient tous de mélancolie. Qu’il s’agisse d’adultes, de moines, ou d’enfants, partout ce même regard sévère, voire triste. Visite à un village de tisserands, où les femmes répètent les mêmes modèles traditionnels, qui seront vendus ensuite au marché de nuit de Luang-Prabang. Plus loin, c’est un atelier de distillation du riz, pour faire divers alcools. Enfin, fabrication du papier à partir du bambou : la pâte obtenue à partir des fibres est récoltée dans une cuve au moyen de cadres sur lesquelles elle séchera, fournissant un papier rudimentaire, apparemment très grossier, mais dont les irrégularités en font justement tout le charme, habilement exploités par les artistes locaux - nouvelle source d’artisanat pour le marché de nuit.
Une autre excursion en descendant le Mékong cette fois-ci, vers la vallée de Pak Si. L’occasion de découvrir des rizières et des animaux domestiques comme les poulets et les buffles. Visite d’un village modèle fonctionnant comme une coopérative. Des familles nombreuses, où les enfants portent (pour les touristes ?) les habits dont ils ont réalisé les très belles broderies multicolores. Impossible de savoir si ces enfants vont à l’école (la langue pose un gros problème de communication, la présence d’un guide interprète est indispensable, même si ces guides sont souvent formés très superficiellement). La durée de vie moyenne est d’environ 50 ans dans ces campagnes. Près des fermes, de magnifiques jardins, d’une grande variété. Plus loin, les cascades de Tat Kuang Si et les bassins en étages forment un ensemble magnifique. Les Laotiens adorent venir piqueniquer et se baigner en famille dans ces bassins aux eaux si limpides. La réserve forestière de Pak Si offre une vision de la forêt primitive, avec des arbres plutôt petits (mais n’est-ce pas le résultat des bombardements durant la guerre du Vietnam ?). On y trouve une réserve d’ours noirs, des bananiers et une multitude d’arbres à fleurs comme les poinsettias ou les canas, dont les couleurs éclatent littéralement dans le vert dominant.
Ce pays est réputé pour l’atmosphère très zen que l’on y ressent, pour la magie des ambiances,  pour une douceur de vivre presque hors du temps.

 
Carte du Laos

 
Luang-Prabang avec le Mékong à gauche

 
Temple Vat Visoun

 
Temple Vat Xieng Thong: l'Arbre de Vie

 
Temple Vat Xieng Thong

Vat Aham

Chapelle du nouveau Palais Royal

Novices à Luang Prabang

Brochettes d'oeufs

Cuisine locale au marché de nuit

Excursion sur le Mékong

Enfin des sourires !

Un jeune novice très pensif

Grottes de Pak Ou

Les Bouddhas des grottes de Pak Ou

Beau visage pensif

Au village des tisserands

Fabrication du papier

Utilisation du papier à la cuve par des artistes locaux

Rizière dans la vallée de Pak Si

Ces broderies sont faites par les enfants

Un beau visage serein

Les bassins en étages des cascades de Tad Kouang Si