lundi 20 août 2012

Séance du 12 juin 2012



Syrie 2004 – 2010

Par Jean-Marc Meyer


Avec les terribles combats qui ensanglantent le pays, présenter aujourd’hui de belles images d’avant la guerre peut sembler futile. Nous croyons cependant que c’est faire justice au peuple syrien et à son histoire que d’évoquer avec respect les beautés de ce pays.
Ce fut toujours à partir de Beyrouth que les quatre voyages en Syrie dont il est question ici ont été accomplis. Sous forme d’un voyage en petit groupe à Damas en 2004, et sous forme individuelle à Bosra en 2007, au retour d’un voyage en Jordanie, et deux fois à Alep, en 2008 et 2010. 


Damas (2004). Excursion d’une journée, départ à l’aube avec un petit bus. Dès l’arrivée à Damas, première visite : le Musée National, avec ses fabuleuses collections d’objets provenant des sites les plus anciens de Mari et de Doura-Europos, sur les bords de l’Euphrate. Puis ce fut l’arrivée dans la vieille ville, le long de la citadelle, avec comme premier objectif les souks. La grande rue Midhat Pacha, du nom de son constructeur ottoman, forme le souk Hamidiyé. Une foule toujours en mouvement, des boutiques, des mangeuses de glace qui soulèvent leur voile noir pour déguster… Un autre monde, tellement nouveau, tellement inattendu ! Et au coin de la rue, vers le souk des libraires, les restes impressionnants du propylée romain du temple de Jupiter ! La vieille ville syrienne s’est construite sur les restes de la ville romaine. Plus loin, c’est la Grande Mosquée des Ommeyades. Dès l’entrée, après avoir enlevé les chaussures et pour les femmes avoir enfilé une longue robe avec une capuche, nous entrons dans la vaste cour avec ses colonnes, son Trésor, la fontaine couverte pour les ablutions. A l’intérieur, d’immenses colonnes soutiennent le haut plafond, des tapis recouvrent tout l’espace, les gens - des familles, des personnes âgées -, vont et viennent, s’assoient, prient ou simplement discutent discrètement. Il règne une atmosphère de simplicité et de recueillement. Derrière les vitres vertes et les grilles dorées du petit monument au centre de la mosquée se trouverait sa tête de Jean-Baptiste… Après cette visite, le Palais Azem, ancienne demeure du gouverneur ottoman puis palais du haut-commissaire français en 1922. Détruit lors d’émeutes puis reconstruit à l’identique, il a retrouvé toute sa magnificence. La fin de la visite de la vieille ville se poursuivra avec tout le groupe embarqué sur une mini-camionnette dans les ruelles étroites.

 Damas - Le Musée National

 Damas - Le souk des libraires

Damas - La Mosquée des Ommeyades

 Damas - Le Palais Azem
 
Bosra (2007). Après Jerash, Ammann et Pétra en Jordanie, au retour brève halte en Syrie, à Bosra. Ancienne capitale nabatéenne puis capitale de la province romaine d’Arabie, la ville possède l’un des plus beaux théâtres antiques, miraculeusement préservé par les murailles de la citadelle que les Ottomans ont construites tout autour de lui. Les gradins de l’hémicycle, le mur de scène, tout est dans un état parfait. Autour, les restes de la ville romaine sont beaucoup plus dégradés, les habitants ayant pris l’habitude de chercher dans les constructions antiques les pierres dont ils ont eu besoin pour leurs maisons. 

Bosra - Le Théâtre romain

Bosra - Les thermes sud

Bosra - L'Arc nabatéen

Alep et le Nord (septembre 2008). Ce tour nous emmène d’abord au Krak des Chevaliers, impressionnante forteresse construite en 1142 lors des Croisades, paraissant imprenable mais finalement prise par le sultan arabe Baybars en 1271. Marqab, autre château croisé dominant la mer, Tartous et Lattaquié, le fief alaouite. Visite ensuite d’Ougarit, le grand port des Cananéens redécouvert en 1929 seulement. Les tablettes retrouvées dans l’ancien palais royal sont écrites en ougaritique, un système d’écriture à l’origine de notre façon d’écrire actuelle. Moment impressionnant à la découverte des ruines de cette cité oubliée. Poursuite vers Alep, arrivée en fin de matinée, en pleine chaleur. La citadelle domine la vieille ville. Première incursion dans les souks, probablement les plus beaux de tout l’Orient. Logement dans un ancien palais du quartier chrétien. Visite au Nord-Ouest, dans le Massif Calcaire, des ruines de Saint-Siméon, site byzantin élevé à l’emplacement où Siméon le Stylite vécu perché sur une colonne pendant plus de 35 ans ! Lieu magique, sur une colline, avec des ruines aux couleurs ambrées tranchant avec la grisaille des rochers calcaires couvrant les sols alentour, et des arbres couchés par le vent. Après Alep, arrêt à Ebla, l’antique cité syrienne (IIIe et IIe millénaires) dont les traces sont encore en grande partie enfouies dans le sol. Travail des archéologues italiens. Puis route vers le sud jusqu’à Apamée, l’immense cité romaine dont la grande colonnade est la plus longue de toute l’antiquité. Arrêt ensuite à Hama, au centre du pays, avec ses immenses norias de bois. Cette longue journée se terminera très à l’est, après une traversée dans le désert, à Palmyre. La cité de la reine Zénobie, qui osa défier les Romains, étale ses ruines adossées à une vaste oasis. Le massif Temple de Bêl, la vallée des Tombeaux, la Grande Colonnade, l’Arc monumental, le Tétrapyle : tout évoque la splendeur de cette cité du désert. Le retour vers Beyrouth sera marqué par une halte dans le désert, au « Bagdad Café », sur la route vers Bagdad (en 2008, la guerre fait encore rage en Irak), puis à Maaloula, petite ville dans le massif du Qalamoun où l’on parle encore l’araméen, la langue parlée à l’époque du Christ. En quelques cinq jours, que de civilisations diverses et d’époques différentes, dans un espace finalement assez restreint.

 Région d'Homs - Le Krak des Chevaliers
 Hama - Les norias

 Palmyre - Chameliers en début de journée

 Palmyre

 Maaloula - Dernier village où l'on parle araméen

Alep (mars 2010). La visite des souks ayant été trop rapide en 2008, nous décidons d’y retourner. Arrêts à nouveau au Krak des Chevaliers, à Apamée, à Saint-Siméon, à Ebla. Mais cette fois, au printemps, les champs de la vallée de l’Oronte sont d’un vert intense, sur lequel les colonnes d’Apamée apparaissent plus blanches encore. Beaucoup plus de temps pour parcourir les souks d’Alep, où les ruelles étroites, les passages couverts, les portes, les arcades voient une foule aller et venir parmi les boutiques toutes plus pittoresques les unes que les autres. Couleurs et odeurs s’entremêlent, l’œil est sans cesse attiré par les sacs d’épices, les montagnes de savons, les étalages de bijoux en or, les piles de tapis, les brochettes odorantes devant les minuscules restaurants…  La place Djeidé, au cœur du quartier chrétien, est le point de rendez-vous en fin de journée, dans un tout autre monde qui déjà semble devenir nôtre. Revoir les mêmes lieux, à quelques années d’intervalle, reste pour le voyageur un véritable privilège : la fugacité des images fait place soudain à une persistance qui s’ancrera dans la mémoire d’une manière indélébile.

 Apamée - La Grande Colonnade

 Saint-Siméon - La colonne de Siméon le Stylite

 Alep - La Citadelle

 Alep - La ville vue depuis la citadelle

 Alep - Les souks - Marchand de savon

 Alep - Les souks - Marchand de tapis

 Alep - Les souks - Marchands d'épices